vendredi 8 mai 2009

Articles de presse sur l'avis du Conseil d'Etat concernant les lois de bioéthique

Articles de presse sur l'avis du Conseil d'Etat concernant les lois de bioéthique
C’est un avis important qui pourrait servir de socle à la révision des lois de bioéthique, prévue par le gouvernement pour 2010. Plus d'un an après avoir été mandaté par le premier ministre, François Fillon, le Conseil d'Etat a rendu publiques, mercredi 6 mai, ses recommandations. La haute juridiction se prononce pour l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires ainsi que pour la levée, sous certaines conditions, de l'anonymat du don de gamètes. En revanche, elle préconise de ne pas légaliser la gestation pour autrui (mères porteuses) et de ne pas étendre l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux mères célibataires et aux homosexuelles.LOIS ET ETATS GENERAUXRévision des lois de bioéthique. Elle est prévue, tous les cinq ans. La révision des lois de 1994 et 2004 devrait donc intervenir au plus tard en 2010 à partir, notamment, des recommandations du Conseil d'Etat et des Etats généraux de la bioéthique.Etats généraux de la bioéthique. Cette consultation de la société civile, ouverte depuis mars, sera clôturée fin juin par les recommandations d'un groupe de pilotage et un discours du président de la République.C'est la troisième fois que le Conseil d'Etat se prononce sur la législation en matière bioéthique : ses premiers avis, rendus en 1988 et 1999, avaient fondé en partie les lois de 1994 et 2004. Cette année, le Conseil d'Etat, qui a réuni un groupe d'experts sous la présidence de Philippe Bas, ancien ministre de la famille et de la santé du gouvernement Villepin, n'a pu que constater "l'ampleur et la variété des questions soulevées devant lui" : les "demandes sociales" pour bénéficier de techniques comme l'AMP, par exemple, n'ont fait qu'augmenter.Mais, pour le Conseil d'Etat, les principes posés par les lois de bioéthique – respect de la vie et de la dignité humaine – "ne sont pas contingents et ne peuvent changer au gré de l'évolution des sciences et des techniques". C'est pourquoi la haute juridiction a adopté une position mesurée : elle recommande "d'apporter certains aménagements aux règles actuelles, mais ne prône pas de bouleversements" majeurs.Autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Dans son avis, le Conseil d'Etat rappelle que la recherche sur l'embryon humain "soulève des oppositions éthiques car elle porte atteinte non à une chose, mais à une personne humaine potentielle, qui ne saurait donner lieu à instrumentalisation".Pour autant, la haute juridiction a souhaité ne pas faire obstacle à la possibilité de découvertes scientifiques à partir de telles recherches. Elle propose donc de substituer au régime actuel d'interdiction assorti de dérogation – que le législateur avait choisi en 2004 sur sa préconisation –, un régime d'autorisation "enserré dans des conditions strictes".Maintenir les conditions de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Sur cette question, le Conseil d'Etat a placé sa réflexion au regard de "l'intérêt de l'enfant" et non pas seulement du projet parental qui guide la demande d'AMP. C'est au nom de ce principe qu'il rejette l'idée d'ouvrir l'AMP aux femmes célibataires ou aux homosexuelles, car il "s'agirait de créer délibérément un enfant sans père, ce qui ne peut être considéré comme l'intérêt de l'enfant à naître".De manière générale, le Conseil a estimé qu'il convient de maintenir en l'état la vocation de l'AMP, qui est de remédier à l'infertilité d'un couple formé par un homme et une femme.Lever l'anonymat du don de gamètes. Le Conseil préconise de revenir sur le principe de l'anonymat du don, afin de répondre à la demande d'accès à leurs origines des enfants nés d'une AMP à partir d'un tel don.En revanche, il s'oppose à toute rémunération ou meilleure indemnisation des donneuses d'ovocyte, qui pourrait remédier, pour certains, à la pénurie actuelle de dons.Refuser la légalisation de la gestation pour autrui (GPA). Sur cette question, qui suscite un fort débat entre partisans et détracteurs de la GPA, le Conseil d'Etat prend clairement partie pour les seconds. Il fait valoir que la GPA n'est pas sans danger pour la mère porteuse et que le don d'un enfant à un autre couple "présente une forte probabilité d'être vécu par cet enfant comme un abandon".La GPA "laisse place à l'idée que l'enfant à naître est, au moins pour partie, assimilable à un objet de transaction". "En ce sens, sa légalisation consacrerait la notion de “droit à l'enfant” à laquelle le législateur, en 2004, s'est fermement opposé", argumente le Conseil.La haute juridiction n'est toutefois pas indifférente au sort juridique des enfants nés à l'étranger par GPA et vivant en France : pour leur assurer une "certaine sécurité de la filiation", il recommande que la paternité du père soit reconnue et que la mère obtienne une délégation d'autorité parentale.D'une façon générale, le Conseil d'Etat se garde de vouloir aligner la loi française sur les législations étrangères – dont beaucoup sont plus libérales – et ce, afin d'éviter "le risque de surenchère vers le moins-disant éthique". La haute juridiction estime en effet que la législation française constitue un "point d'équilibre" qu'il convient de ne pas remettre en cause trop périodiquement.C'est pourquoi le Conseil d'Etat recommande au législateur de ne pas renouveler l'obligation de réexamen des lois tous les cinq ans : il estime que le législateur peut en effet décider de réviser à tout moment les lois si nécessaire, sans pour autant remettre en cause l'architecture globale de la législation.Cécile Prieur
Les propositions du Conseil d’État sur la bioéthique
Le rapport du Conseil d’État sur la révision des lois de bioéthique, dont « La Croix » a eu connaissance, recommande d’autoriser, sous conditions, la recherche sur l’embryon. Il n’est en revanche pas favorable à la légalisation de la gestation pour autruiC’est mercredi 6 mai que le Conseil d’État rend public le rapport rédigé à la demande du premier ministre sur la révision des lois de bioéthique. François Fillon, dans une lettre de mission datée du 11 février 2008, avait chargé la haute juridiction « d’identifier d’éventuelles lacunes » des textes et d’en « envisager les évolutions possibles ». Dans son rapport de 90 pages, dont La Croix a eu connaissance, le Conseil d’État propose plusieurs évolutions.
S’agissant de la recherche sur l’embryon, il se prononce en faveur d’un « régime permanent mais strict d’autorisations ». Il est également favorable à une levée partielle de l’anonymat des dons de gamètes. En revanche, les sages ne proposent pas de modifier les conditions actuelles d’accès à l’assistance à la procréation, ni d’autoriser la pratique des « mères porteuses ». Enfin, ils proposent d’inclure la fin de vie dans les lois de bioéthique. Et se prononcent pour mettre fin à l’obligation de réexamen de ces lois tous les cinq ans. Extraits. La recherche sur l’embryon Le Conseil d’État propose de soumettre la recherche sur l’embryon à « un régime permanent mais strict d’autorisations ». Il considère qu’« autoriser la recherche sans conditions serait en contradiction avec nos principes éthiques », selon lesquels « l’embryon ne peut être traité comme simple matériau de recherche ». Mais il observe également que « les recherches sur les cellules souches embryonnaires conservent un intérêt scientifique ». Il propose donc de réécrire la loi comme suit : « Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. »
Cette autorisation ne peut être délivrée qu’aux conditions suivantes : la pertinence de la recherche doit être établie ; celle-ci « doit être susceptible de permettre des progrès thérapeutiques majeurs » ; elle ne doit pas pouvoir être poursuivie à l’aide d’autres cellules ; elle doit respecter les principes éthiques. Par ailleurs, cette recherche n’est autorisée, comme aujourd’hui, que sur des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Il demeure interdit de créer des embryons à des fins de recherche. Le diagnostic prénatal, préimplantatoire et le « bébé-médicament » Sur le diagnostic prénatal (DPN), le rapport propose surtout de renforcer l’information et l’accompagnement des femmes pour limiter le risque eugénique. Il ne remet pas en cause le diagnostic préimplantatoire (DPI), technique permettant, après un tri d’embryons, de faire naître des enfants indemnes d’une maladie d’une « particulière gravité ». Il estime en effet que la loi actuelle « permet un équilibre satisfaisant entre la nécessaire flexibilité face aux évolutions techniques et le refus de dérives eugéniques ».
Mais le Conseil joue la prudence sur le « double DPI » (ou « bébé-médicament »), qui permet de faire naître un enfant « immunologiquement compatible » avec son frère ou sa sœur malade, qu’il va ainsi permettre de soigner. « L’espoir offert à certaines familles face à la souffrance d’une maladie sans solution thérapeutique semble n’avoir pas été pleinement satisfait », souligne-t-il, préconisant un maintien du dispositif actuel mais avec une évaluation dans cinq ans par l’Agence de biomédecine, « ce qui permettra d’avoir davantage de recul » sur la nécessité de le maintenir ou d’y mettre un terme. L’assistance médicale à la procréation Dans ce domaine, c’est l’intérêt de l’enfant qui doit primer, estime le Conseil d’État. Aussi n’est-il guère favorable à faire évoluer les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation fixées par la loi (un couple composé d’un homme et d’une femme en âge de procréer, mariés ou pouvant justifier de deux ans de vie commune), notamment pour la rendre accessible à des femmes seules ou vivant en couple. « Cela supposerait d’admettre la conception médicalement assistée d’un enfant sans ascendance masculine », souligne le Conseil d’État, qui s’inquiète de « l’effet psychologique que peut avoir sur un enfant l’absence de père “biologique” ».
Pour les mêmes raisons, il repousse le transfert d’embryons post mortem. Il admet toutefois la possibilité de laisser une certaine souplesse aux équipes médicales sur le délai de deux ans de vie commune exigé pour les concubins, et recommande que ce délai ne soit plus exigé pour les signataires d’un pacs.
C’est également en raison des « effets préjudiciables à l’enfant » que le Conseil d’État se prononce en faveur d’une levée partielle de l’anonymat des dons. Il plaide pour un régime qui combinerait « l’accès de tout enfant majeur le sollicitant à certaines catégories de données non identifiantes et la possibilité d’une levée de l’anonymat si l’enfant le demande et le donneur y consent ». Un dispositif qui ne serait valable que pour les dons à venir. La gestation pour autrui Le Conseil d’État n’est pas favorable à la légalisation de la gestation pour autrui « en considération de l’intérêt de l’enfant et de la mère porteuse ». Il met en avant, pour justifier sa position, les principes qui sous-tendent l’interdiction actuelle : conséquences psychologiques pour l’enfant, dérive financière potentielle, problèmes juridiques, etc. Le Conseil d’État propose néanmoins des pistes pour régler les problèmes de filiation posés par les enfants nés de gestation pour autrui, en France ou à l’étranger.
Sans aller jusqu’à une reconnaissance de la filiation des deux parents qui serait « une incohérence » par rapport « à une situation que le législateur a formellement interdite », il propose cependant de reconnaître la filiation paternelle « puisqu’il existe un lien biologique entre l’enfant et le père, lequel se trouve dans une situation similaire à celle du père d’un enfant naturel ». Quant à la mère d’intention, elle pourrait dans ce cas se voir confier par le père une délégation-partage de l’autorité parentale. Le recours aux empreintes génétiques Le Conseil d’État propose notamment de revenir sur la législation actuelle en matière de tests de paternité post mortem, afin de se rapprocher de la jurisprudence établie par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). À la suite de l’affaire Montand, la loi avait interdit toute identification par empreintes génétiques sur le corps d’une personne décédée, sauf accord manifesté par celle-ci de son vivant. Mais en 2006, la Cour européenne a estimé qu’il fallait mettre en balance le droit au respect des morts avec l’intérêt des vivants à obtenir des informations sur leur ascendance.
Pour le Conseil d’État, on pourrait se rapprocher de cette optique en prévoyant un mécanisme cumulant un critère négatif et un critère positif, et réécrire la loi comme suit : « L’opposition expressément manifestée de son vivant par une personne à une telle identification fait obstacle à toute mise en œuvre de celle-ci après le décès de l’intéressé. En l’absence d’opposition expresse manifestée de son vivant par l’intéressé, le juge statue sur la demande d’identification post mortem en tenant compte de l’intérêt invoqué par le demandeur, du respect dû au corps du défunt et de la protection des droits des tiers. » Ainsi, estime le Conseil, il reviendrait au juge de procéder à une mise en balance et de prendre une décision en conséquence. Les dons d’organes Le Conseil d’État préconise de renforcer l’encadrement réglementaire des prélèvements d’organes « pour exclure tout doute dans l’esprit du public ». À la séparation stricte entre l’équipe de soins et l’équipe de prélèvement, déjà prévue par la loi, il suggère d’ajouter trois autres garanties : la première consisterait à préciser que le prélèvement sur un patient décédé d’un arrêt cardiaque ne peut avoir lieu que s’il a fait l’objet « d’une tentative de réanimation d’une ampleur et d’une durée telle que son absence de succès permet de conclure à l’irréversibilité de la mort » ; la seconde est d’exclure explicitement du prélèvement d’organe les patients qui ont bénéficié d’un arrêt de soins en fin de vie ; la troisième consiste à fonder sur des critères strictement médicaux le renoncement à la technique d’assistance circulatoire thérapeutique pour une réanimation « classique » en cas d’arrêt cardiaque. La fin de vie Afin d’améliorer le recours aux soins palliatifs, le Conseil d’État propose que « toute personne qui formule une demande d’arrêt de traitement pouvant avoir pour effet d’abréger sa vie se voie immédiatement proposer d’être prise en charge par une équipe de soins palliatifs ». Le Conseil estime aussi que les proches devraient pouvoir mettre en œuvre la procédure collégiale prévue par la loi lorsqu’il s’agit de limiter ou d’arrêter un traitement. Ils ne pourraient pas demander eux-mêmes l’arrêt des traitements, mais la réunion de l’équipe médicale (la loi actuelle réserve cette possibilité aux médecins).
Enfin, le Conseil estime nécessaire de réexaminer le mode de tarification des soins palliatifs, afin que ceux-ci ne soient pas pénalisés par la tarification à l’activité (T2A) en vigueur à l’hôpital. Le Conseil s’est enfin demandé s’il fallait permettre l’euthanasie active dans certaines circonstances. « Même justifiée par l’intérêt du malade, conclut-il, une telle autorisation constituerait une transgression majeure de l’interdit de mettre fin à la vie d’autrui, qui est un interdit structurant de nos sociétés. »

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