jeudi 26 février 2009

Un enfant sur 20 naît grâce à l'insémination

Bioéthique : les Français invités à s'exprimer sur le net
Procréation médicalement assistée, don d'organes, mères porteuses : dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, les internautes sont invités à faire connaître leur opinion sur ces sujets sensibles.
Rapidité des progrès médicaux oblige, la loi bioéthique de 2004 prévoyait dès son adoption une révision au bout de cinq ans. Nous y sommes. Lancés officiellement le 4 février par Roselyne Bachelot, les Etats généraux ouvrent, selon les mots de la ministre de la Santé, cinq mois de «réflexion collective et citoyenne» sur les éventuelles modifications à apporter à la législation. Et si un comité de pilotage, présidé par le député Jean Leonetti, se chargera de faire le point sur les avis d'experts, le ministère de la Santé, reprenant la démarche déjà adoptée lors du Grenelle de l'environnement, a souhaité ouvrir un site internet <http://www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/> spécial auquel chacun pourra contribuer.
Géré par l'agence de bioéthique, une institution publique créée dans le sillage de la loi de 2004, le site propose à la fois une base de documentation - que les internautes sont fortement invités à consulter avant de passer à l'écriture !- et une «boîte aux lettres» d'usage simple. «On demande juste au contributeur de donner un prénom et une ville, histoire d'éviter les pseudos du type toto34 », explique-t-on à l'agence. Une veille sera assurée au sein de l'équipe pour éviter la mise en ligne de textes diffamatoires, communiquant de fausses statistiques ou faisant référence à une personne indentifiable. «En cas de doute, nous demanderons l'avis du comité de pilotage».
Les contributions, libres mais ne dépassant pas les 6 000 signes, seront classées sous cinq thèmes : le prélèvement et la greffe, la recherche sur l'embryon et les cellules souches, les diagnostics préimplantatoire et prénatal, la médecine prédictive (permettant de prévoir les affections dont pourra souffrir l'embryon) et l'assistance médicale à la procréation. Mais on peut d'ores et déjà s'attendre à ce que certains sujets, très polémiques, reviennent de façon récurrente : désir d'enfant des homosexuels, anonymat des dons de gamètes, mères porteuses, recherche sur les cellules souches embryonnaires… L'ensemble des contributions fera, mi-juin, l'objet d'une synthèse remise au comité de pilotage, lui-même chargé de rédiger le rapport final remis au président Nicolas Sarkozy le 30 juin. Les internautes auront jusqu'au 17 juin pour soumettre leur argumentation.
· Un enfant sur 20 naît grâceà l'assistance à la procréation
En France, pas moins de 200 000 « bébés éprouvette » sont nés depuis trente ans, soit 14 000 chaque année. Autrement dit, dans une classe de maternelle, il y a actuellement un à deux enfants en moyenne dont la conception est issue d'un traitement ou d'une technique médicale. Crédits photo : Le Figaro
Insémination artificielle, fécondation in vitro, stimulation hormonale… Apparues ces trente dernières années, ces techniques sont de plus en plus utilisées.
Un enfant sur 20 naît aujourd'hui en France grâce à l'assistance médicale à la procréation (AMP), soit 5 % des naissances, révèle une étude de l'Ined <http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1420/publi_pdf1_451.pdf>. Autrement dit, dans une classe de maternelle, il y a actuellement un à deux enfants en moyenne dont la conception est issue d'un traitement ou d'une technique médicale.
Une proportion impressionnante dans laquelle les naissances obtenues par la seule technique de fécondation in vitro (FIV) ont une part de plus en plus grande <http://www.lefigaro.fr/sante/2008/04/28/01004-20080428ARTFIG00396-fertilite-le-recours-a-la-fivva-s-accroitre.php> : pas moins de 200 000 enfants sont nés grâce à elle depuis trente ans, soit 14 000 chaque année. Alors que les «bébés éprouvette» représentaient seulement 0,52 % des naissances en 1988, ils sont passés à 1,74 % en 2006 et seront 2 % en 2010 «si la tendance se poursuit à ce rythme», projette l'étude. S'ils semblent importants, ces chiffres sont pourtant quasi identiques à ceux de nos voisins européens, notamment le Royaume-Uni et l'Allemagne. Ils sont même inférieurs à ceux de la Belgique (2,4 % des naissances), des pays nordiques en général (3 %) et du Danemark en particulier (4 %).
«Cela prouve que la France ne fait pas de FIV à tort et à travers», analyse l'épidémiologiste Élise de La Rochebrochard, chercheur à l'Ined et à l'Inserm et auteur de l'étude. La France est en revanche bien au-dessus des États-Unis qui, essentiellement pour des raisons de non-remboursement par la Sécurité sociale, n'enregistre que 0,8 % de naissances issues de FIV.
Plusieurs éléments expliquent cette forte augmentation. Tout d'abord le retard de l'âge à la maternité. En ayant des grossesses de plus en plus tardives, les femmes se retrouvent face à des problèmes d'infertilité qui les poussent à recourir à la science. Selon Élise de La Rochebrochard, l'autre explication viendrait de «la possible altération de la reproduction humaine en raison des expositions environnementales », autrement dit à la pollution, aux pesticides, etc. Enfin, pour cette spécialiste, les jeunes générations hésitent moins que leurs parents à recourir à l'assistance médicale à la procréation. «Le temps où l'on s'inquiétait des conséquences de ces techniques sur les mères et sur les enfants est révolu. S'il y a aujourd'hui quelque 200 000 enfants nés de FIV, c'est parce que la technique a été complètement acceptée par la population. »
Pour autant, le nombre considérable de candidats aux FIV (27 500 tentatives en 1991 contre 50 000 par an aujourd'hui) ne doit pas occulter le taux d'échec, qui demeure très important. «Sur 100 couples qui tentent une FIV, 40 auront un résultat positif», rappelle la chercheuse.
Un parcours qui reste difficile Face à cette inflation de naissances qui, pour les psychologues, «est davantage significative des avancées de la science que du désir absolu d'enfant», il demeure une constante moins positive : la démarche et le parcours des parents restent très difficiles. «Je ne connais pas de couple qui ait bien vécu cette expérience», résume Catherine Mathelin, psychanalyste qui exerce dans les hôpitaux de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis.
D'un point de vue psycho-bioéthique, elle observe qu'avec l'AMP, c'est la première fois dans la société que la procréation est distincte de la sexualité et que ce n'est pas sans bouleverser l'ordre psychique établi. «Aujourd'hui, on peut faire des bébés sans faire l'amour, explique-t-elle. Entre le don d'ovocyte, le don de sperme, la mère qui porte et les manipulations du médecin, on se met même à plusieurs ! Autant dire que cela induit une nouvelle donne qui n'est pas simple à assimiler, pour les parents comme pour les enfants, même si ces derniers ne semblent pas aller plus mal que les autres.»
À cet égard, la perspective de révision des lois de bioéthique, en 2010, ouvre un nouveau cycle de réflexion. Au cœur des débats, la levée de l'anonymat du don de gamètes, l'autorisation de la gestation pour autrui et l'accès à l'AMP pour les couples homosexuels seront particulièrement discutés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire